Première génération d’ordinateurs (1936-1956) En 1936, la publication de l'article fondateur de la science informatique
(en)On Computable Numbers with an Application to the Entscheidungsproblem par Alan Mathison Turing allait donner le coup d'envoi à la création de l'ordinateur programmable. Il y présente sa machine de Turing, le premier calculateur universel programmable, et invente les concepts de programmation et de programme.
Enigma, une machine de chiffrement électromécanique à cylindres;
la version ci-dessus est probablement militaire, mais est similaire à
la version commerciale Enigma-D
L’ère des ordinateurs modernes commença avec les grands développements de la Seconde Guerre mondiale.
Les circuits électroniques, tubes à vide, condensateurs et relais
remplacèrent leurs équivalents mécaniques et le calcul numérique
remplaça le calcul analogique. Les ordinateurs conçus à cette époque
forment la
première génération d’ordinateurs.
Vers 1954, les mémoires magnétiques (tores de ferrite
pour la mémoire vive, bandes, ensuite disques amovibles puis fixes pour
la mémoire de masse) supplantèrent toute autre forme de stockage et
étaient dominantes au milieu des années 1970.
De nombreuses machines électromécaniques furent construites avec des
capacités diverses. Elles n’eurent qu’un impact limité sur les
constructions à venir.
Les premiers calculateurs programmables En 1937, George Stibitz construisit le premier circuit binaire, un additionneur : le
Model K. K, pour Kitchen. En effet, il construisit son appareil dans sa cuisine.
En 1938, Konrad Zuse
commença la construction des premières séries-Z, des calculateurs
électromécaniques comportant une mémoire et une programmation limitée.
Zuse fut soutenu par la Wehrmacht
qui utilisa ces systèmes pour des missiles guidés. Les séries-Z furent
les précurseurs de nombreuses avancées technologiques telles que l’arithmétique binaire et les nombres en virgule flottante.
Konrad Zuse mit au point cette année-là le Z1 (ou
Versuchsmodell), qui ne fonctionna jamais vraiment correctement faute de crédits de développement (le Troisième Reich ne croyait guère à l’idée de Zuse).
La même année, John Vincent Atanasoff et Clifford E. Berry, de l’Université de l’État de l’Iowa, développèrent l’ordinateur Atanasoff-Berry,
un additionneur 16 bits binaire. Cette machine avait pour but de
résoudre des systèmes d’équations linéaires. La mémoire était stockée à
l’aide de condensateurs fixés à un tambour rotatif.
En novembre 1939, John Vincent Atanasoff et Clifford E. Berry achevèrent l’ABC (
Atanasoff Berry Computer).
Composé de lampes et de tambours pour la mémoire, il fut construit pour
résoudre des systèmes d’équations linéaires. Bien que n’étant pas
programmable, il était basé sur trois idées propres aux ordinateurs
modernes : l’utilisation du système binaire (plus fiable et plus simple
à mettre au point que le système décimal), la séparation entre le
calcul et la mémoire et l’utilisation de composants électroniques
plutôt que des éléments mécaniques pour réaliser les calculs. Il
pouvait stocker 60 mots de 50 bits dans ses deux tambours, fonctionnait
à une vitesse d’horloge de 60 Hz et réalisait 30 additions par seconde.
En 1940, George Stibitz et Samuel Williams achevèrent le
Complex Number Computer (ou Model I), un calculateur à base de relais téléphoniques. Ce fut la première machine utilisée à distance
via une ligne de téléphone. Il réalisait une multiplication en une minute.
En 1941,
Konrad Zuse construit le Z3. Il était basé sur 2 600 relais de
téléphone, lisait les programmes sur bandes magnétiques et fonctionnait
parfaitement, ce qui en fit le premier ordinateur programmable
fonctionnel. Il utilisait l’arithmétique binaire et les nombres à
virgule flottante. Le Z3 pouvait enregistrer 64 nombres de 22 bits,
avait une fréquence de 5,33 Hz et réalisait quatre additions par
seconde ou 15 multiplications en une minute.
En 1944, le Harvard Mark I (ou l’ASCC,
Automatic Sequence Controlled Calculator) fut mis au point par Howard H. Aiken chez IBM.
C’était une machine de calcul décimal qui lisait les programmes depuis
une bande de papier. Elle pesait cinq tonnes et occupait une place de
37 mètres carrés. Elle était composée de plusieurs calculateurs qui
travaillaient en parallèle et réalisait trois opérations sur 23
chiffres par seconde.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni fit de grands efforts à Bletchley Park pour déchiffrer les codes des communications militaires allemands. Le principal système de chiffrement allemand, Enigma (et ses différentes variantes), fut attaqué avec l’aide de machines appelées
bombes, créées par les services secrets polonais et améliorées par les Britanniques, qui permettaient de trouver les clés de chiffrement
après que d’autres techniques en eurent réduit le nombre possible. Les
Allemands créèrent également une autre série de systèmes de chiffrement
(appelés FISH par les Britanniques) très différents d’Enigma. Pour casser ces systèmes, le professeur Max Newman et ses collègues fabriquèrent Colossus ou la « bombe de Turing », il n'était pas Turing-complet bien qu'Alan Turing ait travaillé au projet. À la fin de la guerre, il fut démonté et caché à cause de son importance stratégique.
Colossus était la première machine totalement électronique, elle utilisait uniquement des tubes à vide
et non des relais. Elle était composée de 2 000 tubes à vide et lisait
des rubans perforés à la vitesse de 5 000 caractères par seconde.
Colossus implémentait les branchements conditionnels. Neuf machines ont
été construites sur le modèle Mk II ainsi qu’une dixième lorsque la
seule Mk I a été convertie en Mk II. L’existence de cette machine a été
tenue secrète jusque dans les années 1970 ce qui explique pourquoi de nombreuses histoires de l’informatique n’en font pas mention. Il a été dit que Winston Churchill
a personnellement donné l’ordre de leur destruction en pièces de moins
de vingt centimètres pour conserver le secret. Il existe actuellement
un projet actif pour reconstruire une de ces machines.
Les premiers ordinateurs L’ENIAC
Début 1946, Presper Eckert et John William Mauchly achevèrent l’ENIAC (
Electronic Numerical Integrator and Computer), qui est le premier ordinateur entièrement électronique construit pour être Turing-complet. Il avait été commandé en 1942 par l’armée américaine afin d’effectuer les calculs de balistique. L’ENIAC utilisait des tubes à vide (au nombre de 17 468) contrairement au Z3 qui utilisait des relais mécaniques. Néanmoins, il faisait ses calculs en système décimal.
Malgré la véhémence de ses détracteurs qui auguraient de sa fragilité
(celles des tubes à vide), il était très fiable pour l’époque et
pouvait calculer plusieurs heures entre deux pannes. Physiquement
c’était un monstre: il pesait plus de 30 tonnes, occupait 72 m² et
consommait une puissance de 160 kW. Il tournait à 100 kHz, était
composé de 20 calculateurs fonctionnant en parallèle et pouvait
effectuer 100 000 additions ou 357 multiplications par seconde.
À partir de 1948 apparurent les premières machines à architecture de von Neumann :
contrairement à toutes les machines précédentes, les programmes étaient
stockés dans la même mémoire que les données et pouvaient ainsi être
manipulés comme des données. La première machine utilisant cette
architecture était le SSEM (
Small-Scale Experimental Machine) construit à l’université de Manchester en 1948. Le SSEM fut suivi en 1949 par le
Manchester Mark Iqui inaugura un nouveau type de mémoire composée de tubes cathodiques.
La machine était programmée avec le programme stocké en mémoire dans un
tube cathodique et les résultats étaient lus sur un deuxième tube cathodique.
Parallèlement l’université de Cambridge développa l’EDSAC, inspiré des plans de l’EDVAC,
le successeur de l’ENIAC. Contrairement à l’ENIAC qui utilisait le
calcul en parallèle, l’EDVAC et l’EDSAC possédaient une seule unité de
calcul. Il utilisait un type de mémoire différent du
Manchester Mark I, constitué de lignes à retard de mercure. L’EDSAC tournait à une vitesse d’horloge de 0,5 MHz.
On peut considérer que l’architecture de tous les ordinateurs actuels dérive de celle de Manchester Mark I / EDSAC / EDVAC.
En 1950 naquît le premier ordinateur soviétique, le MESM (МЭСМ en russe,
Small Electronic Calculating Machine), sous la direction de Sergei Alexeevich Lebedev à l’institut d’Électrotechnologie de Kiev. Il était composé de 6 000 tubes à vide, consommait 25 kW et réalisait 3 000 opérations par seconde.
En février 1951, le premier modèle de
Ferranti Mark I, version commerciale du
Manchester Mark I et premier ordinateur commercial de l’histoire, est vendu. Il s’en vendra 9 jusqu’en 1957.
Quatre mois plus tard, P. Eckert et J. Mauchly de Remington Rand commercialisèrent l’UNIVAC I (
Universal Automatic Computer).
Contrairement aux machines précédentes, il ne lisait pas des cartes
perforées mais des cassettes métalliques. Il possédait 5 200 tubes à
vide, avait une mémoire à lignes à retard de mercure de 1 000 mots de
72 bits et consommait 125 kW. Il exécutait 8 333 additions ou 555
multiplications par seconde. 46 exemplaires furent vendus au total, à
plus d’un million de dollars l’unité.