Singapour réinvente l'eau <BR>par Notre Envoyé Spécial A Singapour : Mustapha Mazari <BR><BR>De la gueule du Merlion, animal mythique, symbole de Singapour, sort un jet d'eau se déversant dans une rivière, précieux liquide, intimement lié à l'histoire de Singapour, à son développement extraordinaire. <BR><BR>Et pourtant, ce n'est pas une rivière. Singapour n'en a pas, ni fleuve, ni aucune source d'eau potable, excepté la pluie! Mais la quête de la survie a fait réaliser aux Singapouriens de véritables miracles, pas seulement dans le domaine de la technologie ou des affaires, ou encore dans le domaine du développement urbain de la ville-Etat. Depuis les années 70, Singapour a fait un bond spectaculaire dans tous les domaines. Et ce n'est pas sans raisons que le pays a été qualifié comme l'un des quatre petits «dragons» de l'Asie. Mais tout commença par l'eau. En quelque sorte, l'eau, sa rareté malgré les pluies abondantes, la recherche des sources d'approvisionnement et leur maîtrise, entraîna dans son sillage toutes les autres innovations de Singapour. En effet, Singapour n'a pas de ressources naturelles, même pas d'eau, malgré les pluies tropicales, encore moins de pétrole ou de gaz! Les ressources naturelles ne font donc pas un pays. Mais les Singapouriens ont des idées, mais surtout, ils ont des idées qu'ils appliquent et font en sorte de les appliquer comme il se doit. <BR><BR><BR><BR><BR>LA «NOUVELLE EAU»<BR><BR><BR><BR><BR>«NEWater» (eau nouvelle), c'est la marque de l'eau produite à Singapour et conditionnée dans des petites bouteilles en plastique d'environ 25 cl. Ce n'est pas de l'eau minérale, elle est issue des eaux usées de la ville! L'eau des égouts! Et elle est potable, et aussi pure que n'importe quelle eau bien traitée de par le monde. Elle est, en fait, extrêmement bien traitée. <BR><BR>Nécessité oblige, les Singapouriens ont... réinventé l'eau. Devant les édifices et places publiques, des jets et des «jeux» d'eau aux formes les plus variées, voire des plus étranges, de véritables oeuvres d'art, parfois : des murs dégoulinants, de faux geysers... l'eau est omniprésente à Singapour. Elle est presque «célébrée» à chaque coin de rue. A Singapour, l'eau est sacrée, elle est sacralisée. <BR><BR>Mais ce n'était pas le cas, il y a trois ou quatre décennies de cela, l'eau, hormis la pluie, était rare, précieuse. Heureusement que cette région tropicale a de la pluie à en revendre (2.400 mm par an), seule source d'eau potable. Elle est stockée, mais c'est très difficile de le faire, en raison de l'exiguïté de l'île, seulement 700 km². <BR><BR>L'aventure - car c'en est bien une - a commencé en 1974. Singapour s'investit dans le recyclage des eaux usées - au lieu de la laisser se perdre dans la mer - mais cette première expérience a été arrêtée une année plus tard, en raison des coûts exorbitants qu'une telle expérience nécessitait. Plus de 20 années plus tard, en 1998, l'étude sur la récupération de l'eau à Singapour (Singapore Water Reclamation Study), appelée également «NEWater Study» (étude pour la nouvelle eau) a été initiée par la département d'utilités publiques du pays (Public Utilities Board, PUB) et le ministère de l'Environnement et des ressources en eau. L'objectif de cette étude était de déterminer si le programme «NEWater» était une source viable d'eau pure pour les besoins de Singapour. NEWater et les programmes de dessalement d'eau de mer ont été étudiés comme moyens de réduire la dépendance de Singapour de l'eau importée de la Malaisie et qui a été par le passé une source de friction entre les deux pays pendant des années. De plus, la Malaisie est liée par contrat à fournir l'eau à Singapour jusqu'à l'horizon 2061. Pour les Singapouriens, il fallait, dès maintenant, réfléchir à cette perspective, à l'après 2061. Par ailleurs, cette eau importée de Malaisie est traitée puis réexportée vers... la Malaisie et d'autres pays. En effet, l'eau venant de Malaisie ne répond pas aux exigences de propreté et d'hygiène de Singapour qui la traite, ce qui le met vis-à-vis de ses voisins malais et indonésiens dans la position avantageuse de producteur et d'exportateur d'eau potable. En 2001, PUB a commencé à appliquer sa politique de diversification des sources d'approvisionnement en eau potable et industrielle. L'utilisation de NEWater pour les applications industrielles allait réduire les sollicitations sur les réservoirs d'eau potable. Aujourd'hui, Singapour possède 4 usines NEWater, à Bedok, Kranji, Ulu Pandan et Seletar. Les deux dernières ont été réceptionnées en 2002 et la première en février 2004. La dernière usine réceptionnée est celle de Ulu Pandan, en mars 2007. Il y a également un centre pour visiteurs, une véritable usine en activité, servant à des fins éducationnelles. <BR><BR>Le centre est même devenu une attraction touristique de première. Dix mois seulement après son ouverture, le centre avait déjà reçu quelque 100.000 visiteurs. <BR><BR>Quant au processus de purification des eaux usées, il est extrêmement sophistiqué. La «nouvelle eau» est le produit d'un processus de traitement aux multiples barrières dont la première est le traitement conventionnel des eaux usées. La seconde barrière, également la première étape dans le processus NEWater, utilise des microfiltres pour retenir les solides en suspension et d'autres particules nuisibles à la santé, bactéries, les microbes et même quelques virus. L'eau filtrée de cette manière ne contient, à la fin de ce traitement, que des sels dissouts et des particules organiques. La seconde étape utilise l'osmose inversée. A ce stade, toutes les sources de contamination sont annihilées, «repoussées». La troisième étape est plutôt une précaution, une dernière barrière de sécurité : la désinfection par les rayons ultra-violets, ceci pour assurer que tous les organismes sont inactifs et que la pureté de l'eau est garantie. On ajoute, ensuite, quelques produits alkalins pour restaurer l'équilibre du pH et la nouvelle eau est prête à l'utilisation. <BR>